La guerre contre l’Etat islamique se joue aussi sur internet. Le web est souvent présenté comme un outil qui permet à Daech de nourrir son armée en endoctrinant les jeunes étrangers. Pourtant il peut aussi s’avérer une arme efficace pour les forces de la coalition.
Entre décapitation et appel au jihad, l’Etat islamique (EI) mise sur la brutalité et les messages subliminaux dans ses campagnes de com. Une propagande orchestrée et diffusée majoritairement sur un canal : internet.
L’organisation terroriste est très présente sur le web, notamment via des blogs et les réseaux sociaux pour rallier de jeunes étrangers. En avril dernier, elle s’est même dotée d’une fréquence radio nommée Al-Bayan, dont les émissions sont disponibles sur Youtube, selon Courrier International – qui publie un hors-série sur Daech.
Dans ces régions traversées par le désert, la connexion au réseau des réseaux n’est pourtant pas une évidence. En Syrie, seul le quart de la population y a accès, 8 % en Irak. Dans ces régions, les infrastructures filaires (ADSL, fibre optique) ne sont pas aussi étendues qu’en Europe. “En Syrie, le moyen le plus courant de se connecter c’est par satellite, autrement les gens se rendent dans des cybercafés”, détaille Wassim Nasr, journaliste à France 24 spécialiste du jihad. À proximité de la frontière turque, certains parviennent à se connecter à la 3G.
Internet n’est pas uniquement un outil de propagande. Il permet aussi aux membres de l’EI de communiquer entre les régions et de faire passer des ordres. C’est un outil central dans la stratégie et le fonctionnement de l’EI, alors pourquoi ne pas leur en priver ?
Six millions de personnes vivent sur le territoire occupé par Daech
L’idée avait traversé l’esprit du gouvernement irakien en 2014. D’après le bimensuel américain Foreign Policy, Bagdad avait décidé de couper internet dans les régions occupées par Daech pour contrer son expansion.
Avec internet, difficile de faire au cas par cas. En effet, si le réseau est coupé il l’est pour tout le monde : les membres de l’EI et les 6 millions de civils qui vivent en territoire occupé. Des civils en majorité sunnites, qui pourraient voir dans cette mesure une punition du gouvernement chiite de Bagdad, et finalement rallier Dach. Inquiète, l’administration américaine a fait pression pour que la connexion soit rétablie.
A la différence d’Al-Qaida, installée secrètement dans des régions désertiques et reculées, l’EI s’étend sur un territoire. Malgré la présence des jihadistes la vie continue pour les populations locales.
“La plupart des services qui pré-existaient ont été maintenus, les commerces sont toujours approvisionnés de la même manière et le gouvernement irakien continue de payer les fonctionnaires, détaille Jean-Charles Brisard, président du Centre d’analyse du terrorisme. C’est le paradoxe de la coalition internationale qui veut intervenir sans pénaliser les populations locales.”
Certains utilisent d’ailleurs internet pour relater ce quotidien. À Raqqa, la “capitale” du califat, un groupe d’activistes fournit des informations précieuses sur son blog intitulé : Raqqa is being slaughtered silently (Raqqa est massacrée en silence).
Repéré à cause d’un selfie
“Les agents de renseignement refuseraient certainement qu’on coupe les moyens de communication de l’EI”, lance Jacques Raillane, ancien diplomate et auteur du blog AbouDjaffar. En effet, priver Daech d’internet serait se priver d’un canal d’espionnage primordial. Les membres de la coalition disposent de peu d’hommes sur le terrain, l’essentiel du travail de renseignements s’effectue donc à distance, et il a déjà démontré son efficacité.
“À plusieurs reprises des jihadistes se sont fait repérer via la connexion de leur téléphone portable et ont été attaqués par des drones”, rappelle Wassim Nasr de France 24. “La hiérarchie a donc commencé à prendre des mesures de restriction.”
Il y a tout juste un an, l’EI aurait publié un manuel en ligne pour mettre en garde les jihadistes contre le web. “Depuis, ils n’ont plus le droit de partir sur le front avec le téléphone portable”, indique le journaliste de France 24. Malgré ces précautions certains continuent à se faire piéger. D’après Slate, en juin dernier l’armée américaine a pu localiser et détruire des bâtiments stratégiques de l’EI grâce… à un selfie. La hiérarchie a encore durci le ton dans les villes de Raqqa et Deir Ezzor où l’accès à internet n’est autorisé que dans les cybercafés, même pour les jihadistes, précise le Financial Times.
Internet est à la fois un outil essentiel et dangereux pour Daech. Même le navigateur Tor ne serait plus fiable, alors que les jihadistes utilisent son service de mailing Torbox, selon un rapport de l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne. L’EI finira-t-il par se prendre les pieds dans la toile?
Source : lesinrocks.com
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